La Banque du Japon a engagé un tournant majeur dans sa politique, en adoptant un objectif d'augmentation de son bilan au lieu d'objectifs en termes d'économie "réelle" (chômage, PIB...), via l'achat d'obligations gouvernementales japonaises de toutes maturités, d'actions et de part de fonds immobiliers.
Certes, cela vise à sortir de la déflation (passer d'une inflation négative à 2%).
Mais le fait de placer un objectif purement monétaire sous la pression du nouveau gouvernement a des implications majeures :
- doublement de la base monétaire en 2 ans, soit passer à 50% du PIB - la Fed en est aujourd'hui à 20% du PIB ;
- instrumentalisation intégrale de la banque centrale aux fins de la politique budgétaire (i.e. perte totale d'indépendance par rapport aux considérations politiques) ;
- intensification de la guerre des monnaies
- alimentation de bulles d'actifs
On voit mal comment la BoJ pourrait aller plus loin.
Or il n'est pas du tout certain que cette politique, qui a tant d'inconvénients, permette de sortir de la déflation au Japon.
Si ce n'est effectivement pas le cas, c'est l'efficacité de l'ensemble des politiques monétaires quantitatives mises en place depuis 2009 qui risque d'être mise en cause. Comme c'est ce qui a soutenu l'activité dans les pays développés et les espoirs de sortie de crise (où serait la croissance US, pourtant pas bien forte, sans les milliers de milliards de dollars allongés par la Fed ?), le retour de bâton en termes de perte de confiance pourrait alors être très violent dans l'économie en général, et sur les marchés financiers en particulier, aggravant la récession dans laquelle les pays développés sont en train de replonger.
C'est probablement là où nous mène la démagogie monétaire qui n'a cessé depuis l'arrivée de Greenspan à la tête de la Fed dans les années 80. En répondant systématiquement favorablement aux attentes / demandes des marchés financiers en termes de liquidité, les banques centrales ont créé une addiction et l'illusion qu'elles pouvaient régler tous les problèmes avec leur bilan.
En les poussant dans leurs retranchements, la crise va bien finir par modifier les comportements mais aussi les croyances qui ont prévalu pendant des décennies : on peut en effet se demander si ce n'est pas au fond une profonde mutation de la valeur que nous accordons à la monnaie / l'argent que va provoquer cette crise immense et durable du CREDIT (même racine que "croyance").