Les implications de l'affaire Julien Dray

Discussion sur les perspectives économiques, politiques, sociales ou autres de la France.

Les implications de l'affaire Julien Dray

Messagepar Jean-Francois Richard » Mer 24 12 08 16:35

Bjr,



La nouvelle affaire Julien Dray relance évidemment le débat sur la corruption de la classe politique en France.



Pour être objectifs, signalons simplement que la corruption politique existe partout et qu'elle est d'autant plus forte que les pays sont peu développés.



En France, il n'est cependant pas inintéressant, puisque cette affaire touche la gauche, de détailler l'évolution du Parti socialiste depuis près de 40 ans.



Quand Francois Mitterrand a pris le pouvoir au sein du PS en 1971, puis jusqu'à son élection en 1981, c'est en fait un cénacle d'énarques qui a pris les commandes avec lui : Lionel Jospin, Martine Aubry, Elizabeth Guigou, Pierre Moscovici, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Francois Hollande, Michel Rocard, etc.



Arrogante et fière de l'être, cette caste a pu faire de la politique comme dans des pantoufles. Assurée d'un train de vie déjà proche de la haute bourgeoisie de par la réussite au concours de l'Ena et la garantie d'un emploi avec les plus hautes rémunérations de l'Etat, la carrière politique apparaissait comme un "plus", une sorte de "bonus" supplémentaire au plan matériel et financier. Les différents scandales politico-financiers des années Mitterrand ont finalement peu éclaboussé d'énarques socialistes. Sans doute la tentation devait-elle être assez faible... D'ailleurs, selon les estimations qui circulent ici ou là, on mesure globalement que ces énarques ont semble-t-il réussi à accumuler au fil des années de véritables fortunes à faire pâlir plus d'un chef d'entreprise chanceux. Tout cela en cumulant tout simplement les postes les plus rémunérateurs, électifs ou non.



Bien sûr, on pourrait être choqués de voir ceux qui prétendent être les héritiers de Jaurès vivre sur un si grand pied, donner des leçons de morale à tout bout de champs et paraître avoir pour priorité l'aide aux classes laborieuses... Ils en sont effectivement si éloignés, que l'on peut se demander comment ils pourraient ne serait-ce que comprendre comment on fait pour vivre avec 1.000 euros nets par mois. Eux-mêmes ne doivent même plus savoir combien ils gagnent le plus souvent, le cumul de tant de salaires, indemnités, rentes ou privilèges étant difficile à additionner chaque mois sans risque d'erreur.



Leur train de vie fastueux, dépassant parfois les 50.000 ou 60.000 euros par mois sans même aller chercher des extrêmes encore plus alléchants, les a également coupé des classes moyennes ou moyennes supérieures. Ces dernières payent par exemple l'ISF, instrument de ruine des patrimoines, comme nos énarques socialistes. Mais pour ces derniers, l'Isf est totalement secondaire car ils sont assurés jusqu'à leur mort des très confortables traitement et pension de retraite que l'Etat leur versera quoiqu'il arrive. Aucun revers de fortune ne peut leur arriver...



Cette couche dirigeante du PS est cependant en voie de disparition. L'Ena a fait beaucoup moins d'émules socialistes depuis une vingtaine d'années. C'est là que nous en arrivons à Julien Dray, symbole parmi d'autres d'une nouvelle génération de responsables socialistes qui n'est pas passée par l'Ena. On peut notamment citer Jean-Christophe Cambadélis, Manuel Valls, même Bertrand Delanoë bien que plus âgé, Bruno Julliard qui s'engage dans la même voie, Harlem Désir, etc.



Cette nouvelle génération est plus disparate que la première des énarques, mais elle a généralement un point commun : être passée par l'UNEF et, à la suite de maigres études peu qualifiantes, avoir généralement embrassé directement la vie politique en trouvant semble-t-il le plus souvent une petite poire pour la soif par le biais de la MNEF (Mutuelle des Etudiants de France).



Cette "nouvelle génération socialiste" a cependant un handicap évident par rapport à la précédente : n'étant pas fonctionnaires pour beaucoup d'entre eux et n'ayant pour autant jamais travaillé dans le secteur privé, leur avenir matériel est plus incertain. Et en cotoyant chaque jour la haute bourgeoisie socialiste énarque, il y a évidemment de quoi susciter beaucoup de jalousies...



On peut donc penser que cette nouvelle génération, avide de pouvoir et d'arriver financièrement, est beaucoup plus vorace et entreprenante en ce qui concerne sa vie matérielle. L'Etat ne pouvant assurer quoi qu'il arrive un train de vie fastueux, il faut trouver les ressources ailleurs.



Bien entendu, on ne peut que commenter que ce qui a été jugé, sauf à tomber dans le procès d'intention et la diffamation. Julien Dray est donc à ce stade présumé innocent. On peut cependant remarquer que ce n'est pas la première affaire trouble qui lui tombe dessus (montres de luxe et Mercédes achetées en grande partie en liquide il y a quelques années) et que Jean-Christophe Cambadélis (même génération et même profil) a lui été déjà condamné à 6 mois de prison avec sursis en 2006 pour ses emplois de complaisance à la MNEF.



Sur ce plan et en en restant à une analyse globale, l'affaire Julien Dray aujourd'hui montre peut-être à quel point le PS est désormais à bout de souffle. Indépendamment de la corruption réelle ou supposée, la nouvelle génération socialiste se cherche des moyens d'existence que la précédente n'avait pas besoin de réclamer. On comprend par exemple pour quelle raison Julien Dray a semble-t-il hésité à entrer au gouvernement et pour quelle raison il est également favorable à la réforme ou peut-être même la suppression de l'ISF... Avec un profil entièrement différent au plan personnel, Manuel Valls (député maire d'Evry), ne cache pas non plus son désir d'en finir avec le socialisme soviétisant des énarques et se définit d'ailleurs comme "libéral-socialiste". Là aussi, on cherche sa voie, l'étatisme des énarques n'étant plus une référence. Ainsi que le soulignait à juste titre Karl Marx, "l'existence détermine la conscience" et le "tout Etat" ne fait pas partie de la vie des nouveaux cadres socialistes.



En fait, l'affaire Julien Dray a peut être le mérite de montrer à quel point le PS a besoin de se refonder et surtout de refonder son programme. Le PS a été fondé en 1971 sur une opposition Saturne-Neptune et c'est probablement avec une certaine logique qu'il se retrouve aujourd'hui au bord de l'éclatement dans la foulée de la dernière opposition Saturne-Neptune (2006-2008).



Cela peut témoigner de la fin de règne des énarques sur le PS et de la recherche, même bien maladroite évidemment et peut-être au travers de scandales, d'un nouveau mode de fonctionnement et de références idéologiques. On peut aussi mesurer à quel point la crise du PS est profonde et durable car, pour le moment, la nouvelle génération fait plutôt scandale et ne présente pas une alternative bien séduisante...
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Messagepar Pierre11 » Lun 27 07 09 14:31

Bonjour,



il semble que les choses ne vont pas en s'arangeant pour Julien Dray si on en croit le Figaro de jeudi dernier.



Pourtant les socialistes ne parvienne toujours pas à refonder quelque chose de nouveau. A cet égard, il me semble que l'idée d'enterrer le PS et de créer un nouveau parti de gauche serait une bonne solution (solution dont ne semble pas vouloir Ségolène Royal : elle préfère sans doute mieux la division qui lui offre la possibilité de se démarquer...)



Les socialistes vont-ils profiter du renouveau du cycle JU-NE? ou va-t-il falloir attendre le trigone Sa-NE de 2011-2012 pour qu'il se passe enfin quelque chose au PS?

A priori, il me semble bien que la seconde solution a l'air de s'imposer.



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