par Jean-Francois Richard » Jeu 29 01 09 15:54
FRANCE : L'ENLISEMENT
La graisse du mammouth étatique a donc une nouvelle figé le pays aujourd'hui, le temps d'une grande manifestation dans la tradition soviétisante si typiquement française.
En pleine crise économique, alors que le gouvernement s'apprête à annoncer une nouvelle envolée brutale du chômage le mois dernier, ceux qui ne risquent pas de perdre leur emploi ont donc cherché à empêcher de travailler ceux qui sont au centre de la tourmente et dont les entreprises seront un peu plus fragilisées par une journée de travail perdue.
Dans les manifestations, contrairement aux affirmations et manipulations syndicales, le secteur privé était peu présent, seulement représenté par des entreprises en difficulté. Malgré l'inquiétude très large, les salariés du privé ne se sont donc pas sentis concernés par des revendications ne concernant que l'emploi public ou subventionné, les salaires publics ou subventionnés et quelques grandes déclamations sur le pouvoir d'achat ou l'emploi en général. On les comprend. Cela ne veut pas dire que le secteur privé n'ait pas de revendications... Il en a mais il les exprimera à sa façon.
Comme en réponse aux bureaucraties syndicales, le président américain Barack Obama a lancé hier : "ce n'est pas le gouvernement qui peut créer les emplois nécessaires pour sortir de la crise, tout dépend des milieux économiques qui sont les seuls à pouvoir créer la croissance nécessaire". Nicolas Sarkozy a-t-il entendu ? Non, ses oreilles politiciennes étaient toutes tendues en direction des fritures émises par la graisse du mammouth.
C'est bien l'aspect tragi-comique de la situation française, tout le débat tournant encore et toujours autour des personnels de l'Etat et de ses satellites. On ne connaît pas de patron emblématique en France depuis les années 1960, dernière période de vraie croissance du pays. En revanche, on n'arrête pas d'entendre et de voir de petits bureaucrates de second plan comme Gérard Ashieri à l'éducation nationale ou Le Reste à la SNCF. On mesure ainsi le très bas niveau du débat économique et social en France...
Faut-il également s'étonner de voir que les trois principaux leaders syndicaux du pays sont tous issus du public et n'ont jamais travaillé dans le privé ? Bernard Thibault (CGT) a construit sa carrière grâce à la SNCF où il entré à l'âge de 16 ans; François Chérèque (CFDT) est fonctionnaire hospitalier d'origine; Jean-Claude Mailly n'a jamais travaillé... ailleurs qu'à FO où il a débuté à 22 ou 23 ans comme "assistant" de Marc Blondel (ex secrétaire général de FO). Voilà , tout est dit sur le sujet, ce qui reflète si bien les seulement 1 à 2% de travailleurs syndiqués dans le privé.
La "colère" de la sphère publique n'en est pas moins réelle et, d'une certaine façon, elle reflète la crise ambiante, la crise tant du capitalisme que des élites politiques au pouvoir. L'opposition Saturne-Uranus, si longuement décrite dans ses effets "possibles" depuis des mois et des mois puis scrutée à la loupe dans ses effets depuis l'automne dernier, n'en finit pas de secouer la planète. Les émeutes sociales et politiques sont maintenant légion, de Madagascar à la Guadeloupe actuellement, en passant par l'Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Grève et la Roumanie récemment. La croissance chinoise elle-même s'effondre, passant d'un taux de plus de 10% à moins de 8%, ce qui implique la quasi certitude de prochaines émeutes dans ce pays si monolithique mais aussi si fragile : n'oublions pas que la chute du mur de Berlin a eu lieu en 48 heures, alors que l'URSS devait encore durer au moins 1000 ans selon les "experts" de l'époque.
Le FMI a revu ainsi la croissance mondiale pour 2009 à un très maigre +0,5%, tandis que le PIB devrait globalement chuter de -1,5% aux USA et de -2% environ dans la zone euro. La France est attendue à -1,9% quand l'arrogance gouvernementale s'accroche toujours à seulement zéro de croissance.
En fait, ce mensonge si politicien correspond à un pouvoir complètement désemparé. Sarkozy en est resté à sa campagne électorale et la situation qui prévalait à ce moment. Tout a changé, mais l'UMP ne veut toujours pas voir la réalité en face. Là où une grande démocratie comme les Etats-Unis a déjà fait sa "révolution" en élisant un Barack Obama pour affronter une situation toute nouvelle, la France monarchique s'accroche pitoyablement au passé pour ne surtout pas envisager un avenir qui dérange, surtout ceux qui vivent si confortablement sous les lambris encore dorés de la République.
La crise politique est donc profonde. Pour le moment, son effet est de bloquer les réformes quelque peu anarchiques de Sarkozy : la réforme des lycées est renvoyée à plus tard, de même que celle du travail dominical; la réforme hospitalière est abordée à reculons, sans objectif clair car l'enjeu est une nouvelle fois une question de prestige avec cette flopée d'hôpitaux inutiles mais participant à la corruption politique au niveau local. Le problème est que cette corruption est à présent hors de prix et hors de portée de la bourse des Français.
La crise politique que nous envisageons depuis plus d'un an est bien là . A ce stade, elle ne se traduit cependant pas en crise "ouverte". Sauf si les grèves devaient continuer demain, mais on peut en douter... Pour le moment, c'est plutôt une crise à l'image d'une marée qui monte inexorablement, commence à tout submerger mais sans avoir encore rien emporté de fondamental. A l'image des urgences hospitalières où l'on est maintenant si mal soigné, de ces caténères ou rails de la SNCF qui cassent les uns après les autres, de ces enseignants qui refusent d'appliquer une loi pourtant fort peu fondamentale sur le soutien scolaire, de ces puériles joutes politiques à l'Assemblée nationale en vue des élections européennes du printemps prochain, etc. Tout s'effondre, mais doucement, lentement, comme un métal lentement rongé par la rouille. Pour le moment, en prenant un peu de recul, c'est surtout comique. Demain, ce sera évidemment dramatique...
Pour la France, la vraie échéance aura lieu en fin d'année, en décembre précisément avec la nouvelle conjonction Jupiter-Neptune qui représente tous les 13 ans un grand rendez-vous "potentiel" pour le pays. Lors de la précédente, en 1997, les socialistes étaient revenus au pouvoir de la façon la plus étonnante qui soit... Et là ? On peut douter d'un changement de majorité, bien sûr. Mais d'ici la fin de l'année, on peut en revanche penser que l'opposition Saturne-Uranus (second cycle pour la France) aura continué lentement mais très sûrement ses ravages. Le pays est en ruine, les Français le ressentent bien mais ils n'en sont pas encore totalement sûrs, ils espèrent encore plus ou moins en un miracle ou du moins que la catastrophe pressentie ne s'abatte pas trop franchement.
Nicolas Sarkozy est brouillon, marqué à bien des égards par un gaullisme de jeunesse hors d'âge, étatiste dans l'âme même s'il a quelques élans libéraux. Bref, il est à l'image de la France, en quelque sorte. Son arrogance extrême l'empêche de voir l'Etat de la France, la ruine de ses finances publiques et de ses comptes sociaux, une hyper-fiscalité qui plombe toute croissance, son arrogance l'empêche donc de reconnaître la réalité pour fixer à ses réformes leur véritable objectif : remettre à plat les structures et le fonctionnement du pays, indépendamment de la crise, de ses conséquences et des mesures spécifiques qu'elle peut nécessiter.
Mais l'arrogance même de Nicolas Sarkozy peut être un atout. Parce qu'il ne supporte pas l'échec ! On peut y voir la marque puissante de sa conjonction Jupiter-Uranus natale... Le succès, avant tout ! Comme on imagine mal qui le remplacerait aujourd'hui (à gauche ou à droite...), il n'est pas impossible que, contraint et forcé par les évènements, il ne soit finalement obligé de faire les réformes qu'il ne veut surtout pas faire aujourd'hui. Actuellement, il ne veut surtout pas remettre en cause les privilèges de ses "compagnons" qui vivent si grassement aux dépens de la République, justifiant le bon mot du Général de Gaulle en parlant de ses amis politiques : "Leur problème, c'est qu'ils aiment trop l'argent". Mais cela n'atteignait pas, loin de là au milieu des années 1960, la caricature actuelle... De la même façon, Nicolas Sarkozy en est toujours à la mystification de l'ouverture politique à gauche, ce qui le rend si "attentif" ou "si à l'écoute" des manifestations de la graisse du mammouth aujourd'hui... Oui, et ensuite ?
Or, tout cela est d'un autre âge. La ruine du pays impose à l'évidence des mesures drastiques d'économie et la mise en place d'une gestion rigoureuse à tous les niveaux. Aujourd'hui, cela paraît impossible, ne serait-ce qu'à envisager. Même le fameux "service minimum" dans les transports a déjà vécu...
La seule chance de la France, c'est donc à notre avis la prochaine conjonction Jupiter-Neptune de décembre 2009. La dégradation inexorable devrait se poursuivre d'ici là mais, Sarkozy ne pouvant supporter l'idée d'un échec personnel, peut-être sera-t-il forcé de prendre enfin les choses en mains et de réformer le pays en profondeur. Il ne s'agit pas franchement d'un pronostic de notre part, mais de l'utilisation du repère de la prochaine conjonction Jupiter-Neptune pour essayer modestement d'envisager ce qu'elle pourrait entraîner. Or, si la France n'est pas réformée à tous les niveaux, elle va se retrouver très rapidement au niveau d'un pays d'Europe du Sud comme la Grèce ou le Portugal, sans que cela soit évidemment péjoratif pour ces derniers. La chute peut maintenant aller très vite, mais peut-être aura-t-elle au moins le mérite de réveiller un président assoupi par ses dogmes mais en même temps éveillé par le souci constant de sa propre réussite. En tout cas, à ce stade, nous ne voyons aucun autre élément positif qui pourrait sortir la France de sa longue crise d'hibernation depuis 35 ans... L'espoir est maigre, il n'est pas nul.